La justice restaurative
Comment la justice restaurative permet aux victimes et auteurs de faits similaires de se réparer ensemble
Elles ont subi les mêmes faits que d’autres ont commis. Victimes et auteurs de faits similaires se rencontrent pourtant pour évoquer leurs ressentis, leurs émotions, leurs attentes. C’est la justice restaurative, dont la première mesure varoise s’est tenue à la maison d’arrêt de Draguignan. On vous explique ce dont il s’agit.
« Ensemble, on a affronté nos peurs et, ensemble, on s’est reconstruits! » Des mots forts, griffonnés sur une feuille blanche. Une feuille désormais noircie de phrases poignantes, mais qui, alors qu’elle était encore vierge, roulée et entourée d’un ruban violet, a d’abord été le bâton de parole que se sont transmis les participants à la première mesure de justice restaurative du Var. La première aussi de la région Paca à être menée en milieu fermé. Et la première de France mise en œuvre avec du personnel pénitentiaire.
Dialogue sécurisé
Entre novembre 2022 et fin janvier 2023, des victimes de violences conjugales ont rencontré des auteurs de faits similaires, condamnés, au sein même de la maison d’arrêt de Draguignan, où ils étaient détenus. Ils ont pu échanger tous ensemble autour des actes commis et de leurs conséquences.
« La justice restaurative, explique Isabelle Choutet, directrice de l’Association d’aide aux victimes d’infraction du Var (AAVIV), c’est une mesure mise en place par le ministère de la Justice. »
Prévue par la loi en 2014, puis mise en œuvre à partir de 2017, la justice restaurative se veut complémentaire de la réponse pénale, redonnant une place centrale à la victime et participant à la lutte contre la récidive.
Auteurs de faits et victimes, inconnus les uns des autres, dialoguent ainsi dans un espace confidentiel et sécurisé, autour de leurs ressentis, de leurs émotions, de leurs attentes suite à l’infraction qui les rassemble. Les victimes peuvent poser les questions – « pourquoi? », « comment? » – auxquelles le procès n’a pas laissé place et les auteurs tenter d’y répondre.
Objectif: restaurer la paix sociale, dans une démarche uniquement volontaire et, précise Isabelle Choutet, qui n’apporte pas de contrepartie au détenu, celui-ci ayant obligatoirement reconnu les faits pour lesquels il a été condamné.
Place aux émotions
Concrètement, la mesure est placée sous le contrôle du tribunal judiciaire, ici celui de Draguignan, portée par une association d’aide aux victimes – l’AAVIV – et le Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP). Les rencontres se déroulent sous la forme de groupe de parole, animé par deux personnes et sous l’œil de deux autres, représentant la communauté.
Au cœur de la maison d’arrêt de Draguignan, trois victimes ont rencontré quatre auteurs à cinq reprises. Des matinées chargées émotionnellement, souligne Marthe Loppy, juriste de l’AAVIV et animatrice en justice restaurative. « Nous nous rencontrions les mardis dans une salle mise à disposition à la maison d’arrêt. »
Des séances de trois heures au cours desquelles toutes les émotions ont leur place pour peu qu’elles soient exprimées dans le respect. « Les personnes échangent sur les répercussions des actes subis et commis. Mais pour que ça marche, il faut qu’il y ait une concordance dans les récits et une congruence dans les attentes. »
Êtres humains
Des entretiens individuels préparatoires sont ainsi menés avec les volontaires, qui, avant de se retrouver tous ensemble, se rencontrent une première fois entre victimes ou auteurs. Des préalables indispensables pour que la mesure se déroule comme attendue. Et surtout produise les effets escomptés.
Celle qui s’est tenue à Draguignan a ainsi débouché sur une première réussie. « À l’issue, tous les participants évoquent un sentiment d’apaisement et de libération, détaille Marthe Loppy. Tous se sentent reconnus en tant qu’êtres humains et acquièrent une meilleure estime de soi. »
Autant dire que l’animatrice en justice restaurative et l’AAVIV réfléchissent d’ores et déjà à organiser une nouvelle mesure d’ici à la fin de l’année. Celle-ci devrait de nouveau se dérouler au sein de la maison d’arrêt de Draguignan, parce qu’ »en milieu fermé ça a du sens« . Reste à savoir à quel type d’infraction elle s’attachera.
Vol avec violence, délit routier, voire homicide volontaire ou involontaire ou encore violence sexuelle, tout est envisagé. Parce que pour la première, « personne n’y croyait, rappelle la juriste, mais ça a fonctionné! »
Article de presse Nice Matin, à retrouver sur leur site : https://www.nicematin.com/faits-de-societe/comment-la-justice-restaurative-permet-aux-victimes-et-auteurs-de-faits-similaires-de-se-reparer-ensemble-837031